Risques pour la santé
CBD ou cannabidiol : risques et bénéfices pour ma santé ?
En vente libre, les cigarettes à base d CBD suscitent de nombreuses questions. Qu’en est-il vraiment ? Sous quelle forme se présente-t-il ? A-t-on pu démontrer un effet thérapeutique ? Quels sont les risques et les recommandations actuelles ?
Le CBD c’est quoi ?
Le CBD est l’abréviation de « cannabidiol ». On dénombre pas moins de 80 cannabinoïdes contenus dans le cannabis. Le CBD se retrouve en grande quantité dans la plante (fleur de chanvre), mais contrairement au THC, cette substance n'a pas d’effet psychotrope. Il interagit avec différents récepteurs et réduirait l’effet psychotrope du THC. Ces effets à long terme sont encore mal connus.
Sous quelle forme se présente-t-il ?
La cigarette au CBD contient des fleurs de chanvre fumables auquel on additionne du tabac (avec nicotine). Cette cigarette contient entre 5 et 20% de CBD et 0.3 à 0.7% de THC. Légalement, la dose de THC doit être inférieure à 1%.
On trouve d’autres produits contenant du CBD : infusions, extraits, gouttes, teintures, baumes, huiles, gélules, liquides pour cigarettes électroniques, denrées alimentaires (graines, céréales, pâtes, farine, biscuits, etc.), chewing-gums, huiles parfumées, pommade, etc.
Les fleurs de cannabis à faible teneur en THC sont proposées notamment comme succédanés de tabac destiné aux fumeurs.
Aucune préparation médicale contenant du cannabidiol comme base active principale n’est autorisée en Suisse à l'heure actuelle. Le principe actif est cependant présent au côté du THC dans le spray buccal Sativex®, enregistré en suisse à titre de médicament destiné au traitement de la sclérose en plaques.
Quels sont les risques pour ma santé
Les cigarettes au CDB sont tout aussi nocives que les cigarettes avec du tabac conventionnel, notamment du fait de sa combustion, mais aussi de par ses additifs qu’elle contient. Les risques sont ainsi les mêmes et concernent essentiellement les maladies cancéreuses, cardiovasculaires et pulmonaires.
Même fumé pur, sans adjonction de tabac, le cannabis à faible teneur en THC libère, lors de sa combustion, des substances nocives pour la santé.
Les cigarettes au CBD peuvent induire la dépendance au tabac, notamment chez les jeunes, puisque ces dernières contiennent de la nicotine, substance fortement addictive.
Privilégiez l’abstinence, c’est la meilleure façon d’éviter tout risque pour la santé. Le cas échéant, évitez toute forme de consommation de CBD qui implique la « combustion » et donnez la préférence aux méthodes de consommation des non-fumeurs.
Les risques de la consommation de CBD sont mal connus. Néanmoins, il est déconseillé de consommer du CBD durant la grossesse, car cette substance est susceptible de réduire la fonction protectrice du placenta et de modifier ses propriétés.
Cannabidiol (CBD) : analyse de situation en suisse - rapport de Addiction Suisse - 2019 |
Des effets thérapeutiques non démontrés
Le CBD n’a pas d’effet psychotrope et ne procure donc pas de sentiment d'ivresse («high»). Certains usagers rapportent une sensation de légère détente mais celle-ci pourrait également être due à la teneur résiduelle de THC, susceptible de produire un tel effet sur les personnes non habituées à la consommation régulière de cannabis.
En général, les propriétés thérapeutiques de cette molécule ont encore peu été étudiées. D’un point de vue thérapeutique, il pourrait y avoir des effets antioxydants, anti-inflammatoires, anticonvulsifs, anti-vomitifs, anxiolytiques, hypnotiques ou antipsychotiques (AT Suisse, 2018).
Une étude randomisée publiée dans « JAMA Psychiatry » (Bhattacharyya S. et al., 2018) suggère que cette substance non addictive du cannabis permet de moduler l'activité cérébrale anormale des régions impliquées dans la psychose et mettrait ainsi en évidence un effet positif du cannabidiol contre la psychose.
La consommation du cannabidiol n'aurait que très peu d’effets secondaires.
Le cannabidiol, une substitution au THC ?
A l'heure actuelle, il n’existe pas d'études permettant de vérifier si le cannabidiol peut servir de produit de substitution limitant les risques en cas de consommation problématique de cannabis. Des études doivent donc être menées pour vérifier si l'effet rapporté par certains utilisateurs est généralisable.
D’une manière générale, on recommande donc aux consommateurs réguliers de cannabis et aux personnes dépendantes de renoncer à ce produit à base de tabac et de fleurs fumés et d’opter pour d’autres modalités d’administration à faible risque des produits à base de cannabis, comme par exemple l’évaporation et l’inhalation des cannabinoïdes.
Que dire aux jeunes ?
Les parents et autres éducateurs sont encouragés à adopter la même attitude par rapport aux produits contenant du CBD que face aux produits de cannabis classiques ou au tabac.
Les enfants et adolescents ne devraient pas consommer de produits contenant du CBD. Fumer des produits contenant du CBD entraîne des risques de maladies pulmonaires et cardiovasculaires. Il reste également à déterminer si le cannabis à faible teneur en THC est susceptible d’initier à la consommation «classique» de tabac du fait de sa teneur en nicotine ou de cannabis. Il existe probablement un risque non négligeable à cet égard, mais on ne peut encore en estimer l'étendue.
De plus, on manque encore d'études sur les effets et risques à long terme de la consommation de CBD.
Puis-je conduire après avoir consommé du CBD ?
En l’état actuel des connaissances, l’effet du CBD sur la capacité et l’aptitude à conduire est considéré comme négligeable. Mais, les succédanés de tabac à base de CBD contiennent de faibles quantités de THC ! Pensez-y, car la limite autorisée est de 1,5 microgramme de THC par litre de sang et il peut être compliqué de savoir quand cette limite est dépassée. Eviter donc de conduire un véhicule après avoir consommé du CBD.
D’un point de vue juridique
Selon les producteurs, un paquet contenant vingt cigarettes au CBD contient quatre grammes de CBD et moins de 1% de THC. Cela signifie que le produit est légal. En effet, les produits à base de cannabis peuvent être vendus en toute légalité en Suisse si la dose de THC est inférieure à 1%.
Pour la Suisse : CBD, Vue d'ensemble et aide à l'exécution (Swissmedic et OFSP / 2019)
Comme il n’est pas possible de distinguer visuellement le cannabis légal du cannabis illégal, la police saisit en général le cannabis à faible teneur en THC et le fait analyser en laboratoire. Il est ensuite restitué lorsque le résultat de l'analyse montre qu'il ne s'agit pas de cannabis illégal. En raison de la situation juridique, la police souhaite disposer d'un test rapide lui permettant de faire la distinction entre cannabis à faible teneur en THC et cannabis à teneur élevée en THC.
Les liquides pour cigarettes électroniques contenant du CBD ne sont pas autorisés.
Références
- Bhattacharyya S, Wilson R, et al.(2018) Effet de cannabidiol sur temporel médial, le mésencéphale, et le dysfonctionnement striatal dans les gens au haut risque clinique de la psychose : un essai clinique randomisé. (en anglais) Psychiatrie de JAMA. 1er novembre 2018 ; 75(11) : 1107-1117. Doi : 10.1001/jamapsychiatry.2018.2309
-
Benedikt Fischer, Cayley Russell, et al. (2017). Lower-Risk Cannabis Use Guidelines: A Comprehensive Update of Evidence and Recommendations, American Journal of Public Health (AJPH/2017)
-
Cigarettes au chanvre: un produit à la mode, mais pas sans risque, 2017, AT (association suisse pour la prévention du tabagisme)
Cannabis frelaté: danger pour la santé !
L'ajout de substances (sable, microbilles de verre, plomb...) dans l'herbe de cannabis pour augmenter son poids est une pratique récente qui a des conséquences sur la santé. Le cannabis frelaté est ainsi responsable d'atteintes respiratoires ou d'intoxications.
Cannabis frelaté: pourquoi et comment ?
L'herbe de cannabis ou la résine de cannabis peuvent être coupées avec différentes substances, inactives ou toxiques: colle, cire, terre, henné, laque, sable, talc (silicate de magnésium), hydrocarbures aromatiques, autres herbes, pollen, microbilles de verre, seules ou mélangées à du sable, microbilles de silice...On a même des exemples de cannabis frelaté au plomb. Les agents de coupe les plus fréquemment utilisés sont les microbilles de verre, associées ou non à du sable. Un échantillon de haschisch d'origine française analysé courant 2006 a ainsi révélé contenir des microbilles de verre. D'autres échantillons contenaient du sable ou de la laine de verre.(1)
La raison de ces ajouts est simple: augmenter le poids et le volume du produit vendu! Et donc son prix! Ainsi, le plomb par exemple est utilisé pour cet usage en raison de sa forte densité et de sa couleur grisâtre. Dans des échantillons analysés en 2012 en Allemagne, le plomb représentait environ 10% du poids, ce qui représente une hausse de bénéfice de 1000 euros par kilo de marijuana.(2)
Le cannabis peut aussi être adultéré avec des substances pour améliorer son aspect s'il est de mauvaise qualité. Sont alors utilisés des gommes végétales diverses, cirage noir, henné, paraffine, huile de pneu, huile de vidange... Il semble aussi que les microbilles servent à donner l'illusion à l'acheteur que le cannabis est riche en glandes de résine, qui en font sa qualité.(3)
Enfin, le cannabis peut être associé à des corps gras (lait, crème, beurre) afin de favoriser la résorption des cannabinoïdes dans le sang au travers des muqueuses digestives. Cette technique est surtout utilisée dans la formulation de produits destinés à être ingérés. Cette présence de substances diverses et variées dans le cannabis n'est pas sans danger.
Risque d'intoxication
La présence de substances telles que le plomb dans le cannabis peut être à l'origine d'intoxication. Une étude de Busse et al, publiée en 2008, rapporte le cas de 29 patients de 16 à 33 ans qui ont été hospitalisés en Allemagne (Leipzig) au cours de l'été et l'automne 2007avec des symptômes d'intoxication au plomb (crampes abdominales, nausées, anémie, fatigue, symptômes neurologiques...).(4)
Il s'est révélé que tous étaient des consommateurs réguliers de cannabis consommé sous forme de joints ou avec une pipe à eau. Il s’est avéré qu’un de leurs paquets de marijuana recueillis contenaient des particules de plomb, délibérément ajoutées au produit. Or, on sait que les particules de plomb fumées dans un joint sont très bien absorbées par les voies respiratoires. La communauté médicale devrait donc considérer la marijuana frelatée comme une source potentielle d'intoxication au plomb.
Risques pulmonaires
L'adultération de l'herbe de cannabis par certains produits, notamment des microbilles de verre ou de silice, peut avoir des conséquences ORL ou respiratoires. Une revue française a rapporté deux cas d'atteinte respiratoire en rapport avec l'inhalation d'herbe de cannabis frelatée: chez un jeune consommateur quotidien de cannabis qui était mélangé à du sable on a constaté une pneumopathie d'inhalation ; chez un autre patient, qui consommait de l'herbe de cannabis mêlée à des microbilles de verre, des signes fonctionnels et respiratoires (épistaxis, ulcérations des muqueuses oro-pharyngées, douleurs thoraciques avec gêne respiratoire).(5)
Plus récemment, une autre étude française a révélé un cas d'hémoptysies (crachats de sang) chez un patient de 16 ans, qui avait inhalé du cannabis associé à des microbilles de silice.(6) Les auteurs signalent que les particules de silice peuvent entraîner des manifestations oto-rhino-laryngologiques ou bronchiques (hémoptysies, toux, crachats, sifflements) et mettent en garde contre un risque de silicose, même si cela requiert une exposition longue et importante.
En 2012, une étude a également rapporté un cas de talcose (inflammation rare des poumons due à l'inhalation de poussière de talc) causé par l'inhalation de marijuana frelaté au talc.(7) D'autres produits d'adultération du cannabis pourraient avoir des conséquences respiratoires: en 2006, une saisie isolée de résine en Italie a ainsi dentifié la présence de colophane, une résine naturelle extraite de certaines variétés de pin, irritante pour les voies respiratoires.(8)
Dans un récent rapport (janvier 2020), les autorités américaines (CDC) identifient la cause des cas de décès et de maladies pulmonaires liés à de l'huile de vitamine E, présent dans des e-liquides du marché noir contenant du THC (cannabis) (pneumonies lipidiques)(9).
Les maladies pulmonaires causées par des substances frelatées pourraient être plus fréquentes dans la réalité que ce que révèle la littérature, surtout quand la consommation de drogues n'est pas admise par le patient. Devant des signes aigus ou subaigus ORL et/ ou respiratoires atypiques, les médecins devraient interroger les patients sur l'usage de cannabis afin de détecter une éventuelle implication de cannabis frelaté.
(Auteur : A.S.Glover-Bondeau)
Références
- Denis Richard, Le cannabis et sa consommation, Editions Armand Colin, 2009
- Busse F, Omidi L, Timper K, Leichtle A, Windgassen M, Kluge E, Stumvoll M. Lead poisoning due to adulterated marijuana. N Engl J Med. 2008 Apr 10;358(15):1641-2. doi: 10.1056/NEJMc0707784.
- McLaren J, Swift W, Dillon P, Allsop S (2008) Cannabis potency and contamination: a review of the literature. Addiction 103: 1100–1109.
- Busse F, Omidi L, Timper K, Leichtle A, Windgassen M, Kluge E, Stumvoll M. Lead poisoning due to adulterated marijuana. N Engl J Med. 2008 Apr 10;358(15):1641-2. doi: 10.1056/NEJMc0707784.
- Delourme J, Delattre C, Godard P, Steenhouwer F, Just N. Respiratory consequences of inhalation of adulterated cannabis, Rev Mal Respir. 2009 May;26(5):552-6.
- Monfort M, Larakeb A, Gouraud F, Hemoptysis in a young man smoking cannabis, Arch Pediatr. 2013 Jun;20(6):637-9. doi: 10.1016/j.arcped.2013.03.008. Epub 2013 Apr 22.
- Scheel AH, Krause D, Haars H, Schmitz I, Junker K. Talcum induced pneumoconiosis following inhalation of adulterated marijuana, a case report. Diagn Pathol. 2012 Mar 15;7:26. doi: 10.1186/1746-1596-7-26.
- Caligiani A., Palla G., Bernardelli B., GC-MS analysis of hashish samples: a case of adul- teration with colophony , Journal of Forensic Sciences, vol.51, n°5, 2006, p.1096-1100.
- Benjamin C. Blount, Ph.D., Mateusz P. Karwowski, M.D., M.P.H., et al., (Déc. 2019). Vitamin E Acetate in Bronchoalveolar-Lavage Fluid Associated with EVALI. The New England Journal of Medicine. DOI: 10.1056/NEJMoa1916433
Autres sources :
- Evrard I. Composition du Cannabis : taux de THC et produits d’adultération. In : OFDT, Cannabis, données essentielles 2007
- Cadet-Taïrou A, Gandilhon M, Toufik A, Evrard I. Phénomènes émergents liés aux drogues en 2006. Huitième rapport national du dispositif TREND